Actualités Les Marches (05) le 9 décembre 2021.

Infoclimat / PS05

Montagne : prévoir les dangers et s’adapter au changement climatique

09/12/2021

La montagne est une source de plaisir et de loisirs, mais c’est aussi un environnement dangereux. Le temps y est beaucoup plus variable qu’ailleurs. La prévision en zone de montagne est donc plus difficile qu’ailleurs.

Sécurité en montagne : les missions de Météo-France

Suite à l’avalanche du 10 février 1970, qui causa la mort de 39 personnes en touchant un centre UCPA de Val d’Isère, l’État a chargé la Météorologie nationale, ancêtre de Météo-France, de surveiller, en plus de l’atmosphère, le manteau de neigeux, d’en prévoir les évolutions et de diffuser les informations correspondantes.

Qu’est-ce qu’une avalanche ?

Le manteau neigeux, formé de l’accumulation successive de couches de neige, est en perpétuelle évolution. Une fois au sol, les cristaux de glace continuent de se transformer et les strates évoluent au gré du vent, des chutes de neige ou encore de la température. L’instabilité du manteau neigeux peut alors engendrer des avalanches ou faciliter leur déclenchement. Les départs spontanés donnent lieu à des avalanches dites naturelles. Ils sont essentiellement d’origine météorologique. Le plus souvent consécutifs à d’importantes chutes de neige, ils peuvent aussi être causés par la pluie ou l’action du rayonnement solaire. Les déclenchements provoqués, dits aussi avalanches accidentelles, dûs au passage de pratiquants de la montagne (skieurs, randonneurs…), sont essentiellement liés à la qualité de la neige et à l’empilement des couches, ainsi qu’à l’inclinaison et à la forme de la pente. 

En France, les recensements d’accidents d’avalanche font état d’une moyenne de 31 décès par an occasionnés par ce phénomène selon l’Association nationale pour l’étude de la neige et des avalanches (Anena).

Il est rigoureusement impossible de prévoir la survenue d’une avalanche, qu’elle soit naturelle ou accidentelle. En revanche, il est possible d’estimer et de prévoir le risque d’avalanche, c’est-à-dire de déterminer des probabilités de déclenchement et d’identifier les zones les plus susceptibles d’être touchées. 

Pour en savoir plus : notre article sur les avalanches.

Illustration avalanche. © GettyImages.

Observer le manteau neigeux

Le diagnostic de l’état du manteau neigeux et du risque d’avalanche repose avant tout sur l’analyse des observations, dont le nombre influence fortement la qualité des prévisions. Les observations nécessaires comprennent les conditions atmosphériques (surtout précipitation, température, humidité, vent) et l’état du manteau neigeux lui-même (épaisseur, profil de température, densité, organisation en couches plus ou moins susceptibles de conduire à un déclenchement d’avalanche, etc..). 

Ces données proviennent d’un réseau de stations comprenant : 

  • Météo-France dispose des données de plus de 2 000 stations automatiques réparties sur la métropole (Radome, Oara, RCE, RIC), dont environ 500 (1/4) sont dans les territoires de montagne (Alpes, Corse, Pyrénées) ;
  • 29 stations automatiques d’altitude (Nivôses) situées entre 1 600 et 3 100 m ;
  • 145 points d’observations situées entre 1 000 et 2 500 m d'altitude dans les trois principaux massifs métropolitains : Alpes, Corse, Pyrénées ainsi que quelques postes en moyenne montagne. Les observations y sont effectués par les observateurs nivo-météo, professionnels de la montagne partenaires de Météo-France comme les pisteurs en station ou les gardiens de refuge.

L’enrichissement de la base observationnelle en montagne est un souci permanent de l’établissement.

Prévoir le risque d’avalanche

La prévision du risque d’avalanche se traduit aujourd’hui par deux productions spécifiques dans les Alpes, les Pyrénées et la Corse, le Bulletin d’estimation du risque d’avalanche (BRA) et la prise en compte du  phénomène « avalanches » dans le cadre de la vigilance météorologique.

Pour en savoir plus : Peut-on prévoir les avalanches ? et Avalanche : comment s'informer ?

Illustration avalanche. © Météo-France.

Modéliser le manteau neigeux et ses évolutions

L’existence au sein du Centre national de recherches météorologiques (CNRM) d’une unité de recherche spécialisée, le Centre d’études de la neige, créé au début des années 1960 et pionnier dans la modélisation de la neige, a permis de développer des outils et méthodes adaptés aux prévisionnistes. Les Jeux olympiques d’Albertville, en 1992, ont entraîné le développement rapide de certains outils émergents et notamment la première utilisation en temps réel de la chaîne de modélisation numérique Safran – Crocus – Mepra.
Pour les zones non documentées par les observations et pour prévoir l’évolution du manteau neigeux, les nivologues ont recours aux produits des modèles numériques du manteau neigeux développés par le Centre d’étude de la neige. Il s’agit de la chaîne de modélisation Safran – Surfex/Crocus – Mepra (S2M). Le système Safran réalise une analyse et une prévision des paramètres atmosphériques (précipitations, température, humidité, vent, rayonnement) à l’échelle des massifs, en fusionnant les prévisions issues de la Prévision numérique du temps (PNT) et les observations disponibles. Le modèle Crocus calcule l’état du manteau neigeux (hauteur de neige, caractéristiques de la neige) en un grand nombre de points « conceptuels » de chaque massif (pour décrire les diverses altitudes, pentes et expositions). Le système expert Mepra analyse les résultats de Crocus, et estime un risque de déclenchement pour deux types d’avalanches : spontanées ou déclenchées par le passage d’un skieur.

La vigilance

Les avalanches ont fait partie des premiers phénomènes couverts par la procédure de vigilance météorologique depuis octobre 2001. Celle-ci vise à avertir la population résidant dans les zones de montagne d’un risque d’avalanche très élevé lorsque des avalanches sont susceptibles de toucher des routes ou des habitations. La Vigilance s’adresse aux services en charge de la sécurité ainsi qu’au grand public. 

Le bulletin d’estimation du risque d’avalanche

Le produit phare de la prévision du risque d’avalanche est le Bulletin d’estimation du risque d’avalanche (BRA).

Dès 1993, les services se sont accordés sur une échelle européenne de risque d’avalanche comportant cinq niveaux, qui garantit aux skieurs sans frontières une information avec la même base de référence. Cette échelle fait référence au nombre, à la taille et à la probabilité de déclenchement d’avalanches qui peuvent survenir dans une zone donnée.
Chaque niveau croise le risque de départs spontanés (naturels) et de déclenchements provoqués (accidentels).
Parmi les autres produits émanant de la concertation européenne, des pictogrammes spécifiques, utilisés depuis 2015 dans les bulletins de Météo-France puis sur des panneaux d’informations dans les stations de ski, enrichissent et clarifient ce premier niveau d’information.

Tous ces produits sont des outils d’aide à la décision mis à disposition des utilisateurs sur le terrain qui doivent toutefois continuer à tenir compte des informations et facteurs observés localement.

Risque avalanche : des nouveautés cette saison

La présentation des bulletins avalanches devient identique toute la saison avec le chiffrement du risque d'avalanche et pictogramme associé dans tous les bulletins dès ce début de saison.

Prévisions en montagne : des progrès constants

La fréquentation des massifs montagneux se développe et se diversifie en toutes saisons. Le besoin de prévision en montagne restera fort à l’avenir. Météo-France poursuit ses recherches pour améliorer la prévision du risque d'avalanches, à destination d’une vaste gamme de publics. Les progrès de l’acquisition, de la concentration et de l’utilisation des données d’observation in situ et par satellites, et ceux des connaissances scientifiques et des outils de modélisation , devraient permettre de continuer à faire progresser la fiabilité des prévisions et d’accroître l’anticipation de certaines situations.

La montagne face au changement climatique

Les observations effectuées par le Centre d’études de la neige au Col de Porte, à 1 325 m d’altitude dans le massif de la Chartreuse (Alpes du Nord), montrent que la hauteur moyenne de neige sur la période 1990-2017 a baissé de 40 cm par rapport à la période 1960-1990. Des observations analogues sont rencontrées en moyenne montagne dans l’ensemble de l’arc alpin.

Météo-France contribue à estimer l’ampleur du changement climatique en montagne, sur la base des simulations climatiques produites pour l’ensemble de l’Europe, elles-mêmes alimentées par des modèles du climat de la planète.
Les projections climatiques relatives à l’enneigement naturel pour le XXIe siècle ont depuis longtemps mis en évidence les conséquences néfastes du changement climatique sur l’enneigement en moyenne montagne, c’est-à-dire pour les gammes d’altitude les plus proches, actuellement, de la limite pluie/neige moyenne.

À l’horizon 2050, et ce quel que soit le scénario de concentrations en gaz à effet de serre, les projections indiquent une réduction de la durée d’enneigement de plusieurs semaines et de l’épaisseur moyenne hivernale de 10 à 40 %, en moyenne montagne. À l’horizon 2100, dans le cas de fortes réductions des émissions de gaz à effet de serre et l’atteinte de la neutralité carbone planétaire d’ici 2050, les simulations indiquent une stabilisation des conditions d’enneigement au niveau atteint en milieu de siècle. En cas de fortes émissions, la réduction de l’épaisseur moyenne hivernale pourrait atteindre 80 à 90 %, avec une durée d’enneigement très limitée et un manteau neigeux régulièrement inexistant en moyenne montagne.

L'observatoire météorologique du col de Porte. © Météo-France.

S’adapter

Météo-France a développé plusieurs outils autour de la question de l’adaptation des activités en montagne, qui est un enjeu très fort pour les territoires concernés. À la modélisation climatique de l’enneigement naturel s’est ajoutée  une modélisation de la ressource neige telle qu’elle est exploitée dans les stations de ski, qui tient compte de la production de la neige de culture et du damage. Cela permet d’évaluer la neige qui va, ou pas, continuer à tomber, mais aussi de regarder dans quelle mesure la neige de culture pourrait compenser en fonction des ressources en eau et de température. Des travaux communs avec l’Inrae ont permis de réaliser des modélisations pour le domaine skiable des différentes stations de ski en France, et d’apporter des diagnostics de skiabilité au niveau de chaque piste, tout en renseignant sur les ressources nécessaires en eau et en énergie pour optimiser l’enneigement. Des services sont aujourd’hui disponibles en partenariat avec le bureau d’étude Dianeige au contact des stations de ski, aussi bien pour l’adaptation (ClimSnow) qu’à l’échéance saisonnière (ProSnow).