Infoclimat / PS05
Montagne : prévoir les dangers et s’adapter au changement climatique
09/12/2025La montagne est une source de plaisir et de loisirs, mais c’est aussi un environnement dangereux. Le temps y est beaucoup plus variable qu’ailleurs. La prévision en zone de montagne est donc plus difficile qu’ailleurs.
Sécurité en montagne : les missions de Météo-France
Suite à l’avalanche du 10 février 1970, qui causa la mort de 39 personnes en touchant un centre UCPA de Val d’Isère, l’État a chargé la Météorologie nationale, ancêtre de Météo-France, de surveiller, en plus de l’atmosphère, le manteau de neigeux, d’en prévoir les évolutions et de diffuser les informations correspondantes.
Qu’est-ce qu’une avalanche ?
Une avalanche est une masse de neige et de glace se détachant brusquement des flancs d’une montagne, dont elle dévale la pente à grande vitesse en provoquant un déplacement brutal d’air, ou « vent d’avalanche ». Elle entraîne avec elle de la terre, des rochers et des débris de toute nature. Elle peut avoir des causes naturelles (départ spontané : chutes de neige, accumulation par le vent, pluie ou réchauffement important) ou accidentelles (déclenchement provoqué : passage de skieurs, chute de corniche ou de sérac).
Le déclenchement des avalanches dépend :
- des conditions météorologiques (quantité et qualité des chutes de neige par exemple) ;
- de la structure du manteau neigeux et de sa stabilité ;
- du relief des lieux (profil de pente, nature du terrain sous-jacent).
En France, les recensements d’accidents d’avalanche font état d’une moyenne de 30 décès par an occasionnés par ce phénomène selon l’Association nationale pour l’étude de la neige et des avalanches (Anena).
Il est rigoureusement impossible de prévoir la survenue d’une avalanche, qu’elle soit naturelle ou accidentelle. En revanche, il est possible d’estimer et de prévoir le risque d’avalanche, c’est-à-dire de déterminer des probabilités de déclenchement et d’identifier les zones les plus susceptibles d’être touchées.
Observer le manteau neigeux
Le diagnostic de l’état du manteau neigeux et du risque d’avalanche repose avant tout sur l’analyse des observations, dont le nombre influence fortement la qualité des prévisions. Les observations nécessaires comprennent les conditions atmosphériques (surtout précipitation, température, humidité, vent) et l’état du manteau neigeux lui-même (épaisseur, profil de température, densité, organisation en couches plus ou moins susceptibles de conduire à un déclenchement d’avalanche, etc.).
Ces données proviennent d’un réseau de stations comprenant :
- 2 000 stations automatiques à la disposition de Météo-France, réparties sur la métropole (Radome, Oara, RCE, RIC), dont environ 500 (1/4) sont dans les territoires de montagne (Alpes, Corse, Pyrénées) ;
- 29 stations automatiques d’altitude (Nivôses) situées entre 1 300 et 3 100 m ;
- 145 points d’observations situées entre 1 000 et 2 500 m d'altitude dans les trois principaux massifs métropolitains : Alpes, Corse, Pyrénées, ainsi que quelques postes en moyenne montagne. Les observations y sont effectuées par les observateurs nivo-météo, professionnels de la montagne partenaires de Météo-France comme les pisteurs en station ou les gardiens de refuge.
L’enrichissement de la base observationnelle en montagne constitue un enjeu majeur et permanent pour l’établissement, tant pour améliorer la compréhension des dynamiques naturelles que pour anticiper les effets du changement climatique sur ces milieux particulièrement sensibles.
Prévoir le risque d’avalanche
À Météo-France, la prévision du risque d’avalanche se traduit par deux productions spécifiques dans les Alpes, les Pyrénées et la Corse : le Bulletin d’estimation du risque d’avalanche (Bera) et la prise en compte du phénomène « avalanches » dans le cadre de la Vigilance météorologique.
Pour en savoir plus : Peut-on prévoir les avalanches ? et Avalanche : comment s'informer ?
Modéliser le manteau neigeux et ses évolutions
L’existence au sein du Centre national de recherches météorologiques (CNRM) d’une unité de recherche spécialisée, le Centre d’études de la neige, créé au début des années 1960 et pionnier dans la modélisation de la neige, a permis de développer des outils et méthodes adaptés aux prévisionnistes.
Les Jeux olympiques d’Albertville, en 1992, ont entraîné le développement rapide de certains outils émergents et, notamment, la première utilisation en temps réel de la chaîne de modélisation numérique Safran – Crocus – Mepra.
En complément du réseau d'observations, et pour prévoir l’évolution du manteau neigeux, les nivologues ont recours aux produits des modèles numériques du manteau neigeux développés par le Centre d’étude de la neige. Il s’agit de la chaîne de modélisation Safran – Surfex/Crocus – Mepra (S2M). Le système Safran réalise une analyse et une prévision des paramètres atmosphériques (précipitations, température, humidité, vent, rayonnement) à l’échelle des massifs, en fusionnant les prévisions issues de la Prévision numérique du temps (PNT) et les observations disponibles. Le modèle Crocus calcule l’état du manteau neigeux (hauteur de neige, caractéristiques de la neige) en un grand nombre de points « conceptuels » de chaque massif (pour décrire les diverses altitudes, pentes et expositions). Le système expert Mepra analyse les résultats de Crocus, et estime un risque de départ d’avalanche.
La vigilance météorologique
Les avalanches ont fait partie des premiers phénomènes couverts par la procédure de Vigilance météorologique depuis octobre 2001. Celle-ci vise à avertir la population résidant dans les zones de montagne d’un risque d’avalanche très élevé lorsque des avalanches sont susceptibles de toucher des routes ou des habitations. La Vigilance s’adresse aux services en charge de la sécurité ainsi qu’au grand public.
Le bulletin d’estimation du risque d’avalanche
Le produit phare de la prévision du risque d’avalanche est le Bulletin d’estimation du risque d’avalanche (Bera).
Dès 1993, les services européens de prévision du risque d’avalanche se sont accordés sur une échelle européenne comportant cinq niveaux de risque d’avalanche, qui garantit aux skieurs sans frontières une information avec la même base de référence. Cette échelle fait référence au nombre, à la taille et à la probabilité de déclenchement d’avalanches qui peuvent survenir dans une zone donnée.
Chaque niveau croise le risque de départs spontanés (naturels) et de déclenchements provoqués (accidentels).
Parmi les autres produits émanant de la concertation européenne, des pictogrammes spécifiques, utilisés depuis 2015 dans les bulletins de Météo-France puis sur des panneaux d’informations dans les stations de ski, enrichissent et clarifient ce premier niveau d’information.
Tous ces produits sont des outils d’aide à la décision mis à disposition des utilisateurs sur le terrain qui doivent toutefois continuer à tenir compte des informations et facteurs observés localement.
Prévisions en montagne : des progrès constants
La fréquentation des massifs montagneux se développe et se diversifie en toutes saisons. Le besoin de prévision en montagne restera fort à l’avenir. Météo-France poursuit ses recherches pour améliorer la prévision du risque d'avalanches, à destination d’une vaste gamme de publics. Les progrès de l’acquisition, de la concentration et de l’utilisation des données d’observation in situ et par satellites, et ceux des connaissances scientifiques et des outils de modélisation, devraient permettre de continuer à faire progresser la fiabilité des prévisions et d’accroître l’anticipation de certaines situations.