Saint-Pierre-et-Miquelon : Météo-France contribue à la recherche du chalutier Ravenel
03/06/2021
Le 28 janvier 1962, le chalutier « Ravenel » disparaissait mystérieusement au large de Saint-Pierre-et-Miquelon, avec 15 marins à son bord, marquant profondément les mémoires des habitants de l’archipel. Malgré de nombreuses campagnes de recherche, l'épave n'a jamais été retrouvée, même si des objets provenant du navire ont été découverts le long des côtes de Terre-Neuve.
Le Département de recherches archéologiques subaquatiques et sous-marines (DRASSM) lance une nouvelle campagne du 21/22 mai au 17/18 juin 2021. Pour définir la zone des recherches, il s’est appuyé sur deux études conduites à Météo-France entre avril 2020 et avril 2021, utilisant le modèle de calcul de dérive en mer MOTHY.
Disparition du chalutier Ravenel et recherches précédentes
Les circonstances de la disparition du Ravenel lors d’une campagne de pêche hivernale en 1962 n’ont à ce jour pas été élucidées. Ni épave, ni corps des membres de l’équipage n’ont été retrouvés. Seuls vestiges du naufrage, des débris se sont échoués sur les côtes de Terre-Neuve quelques jours après l’ultime communication du bateau. Près de 60 ans après, la mémoire de ce drame nautique demeure vivace à Saint-Pierre, le port d’attache du Ravenel.
Depuis, plusieurs recherches ont été effectuées comme des plongées autour de l’île Verte en 1964, des prospections dans le secteur de Bob’s Rock par le patrouilleur Fumar en 2004. De vastes zones ont encore été fouillées entre 2009 et 2014 par l’équipe de Bernard Decré qui recherchait également l’épave de l’avion de Roland Nungesser et François Coli, L’Oiseau Blanc. Sans succès !
Les faits connus
Le Ravenel, armé par la Société de pêche et de congélation (SPEC) de Saint-Pierre, était un chalutier de grande pêche, construit en 1960 aux chantiers de Saint-Malo.
Placé sous les ordres du capitaine Adrien Fily, il appareille le 21 janvier 1962 de Saint-Pierre avec 15 hommes à bord pour une campagne de pêche d’une semaine dans le sud-ouest du Grand Banc de Terre-Neuve, à 150 nautiques de Saint-Pierre.
Le samedi 27 janvier, lors d’une liaison radio avec la SPEC, le capitaine signale par radio son intention de prolonger la campagne sur le banc de Saint-Pierre avant de rentrer à sa base pour y livrer comme prévu son poisson le 29 au matin.
Le dimanche 28, à 9 h 30, plusieurs personnes à Saint-Pierre entendent un appel du Ravenel au chalutier le Galantry, mais le contact ne s'établit pas. Puis à 14 h, heure à laquelle les chalutiers de la société doivent être à l'écoute et recevoir les consignes, le Ravenel n’a pas parlé. À 18 h le Galantry et l'armateur essaient tous deux d'entrer en contact avec le Ravenel, ce dernier ne répond toujours pas. En période hivernale, il arrive assez souvent que des navires aient leurs antennes brisées ou abîmées par le poids de la glace survenue à la suite des embruns, les empêchant ainsi de communiquer.
Mais lorsque le 29 janvier à 15 h le directeur de la SPEC n'a toujours aucune nouvelle du Ravenel, il décide de demander à la base aéronavale américaine d'Argentia à Terre-Neuve d'alerter les pilotes susceptibles de survoler la zone où pourrait se trouver le chalutier.
Le lendemain, de nombreux bateaux de l’archipel et de Terre-Neuve ainsi que des avions de la Royal Canadian Air Force (RCAF) d’Halifax se joignent aux recherches, en vain. Ces dernières prennent fin le 3 février.
Les jours suivant le naufrage présumé du chalutier, plusieurs débris furent recueillis sur la côte sud-ouest de la péninsule de Burin. Certains de ces objets furent identifiés comme ayant appartenu au Ravenel ou à des membres de l’équipage.
Une nouvelle campagne de prospection géophysique
Une nouvelle campagne de prospection géophysique systématique va se dérouler du 21 mai au 18 juin 2021. Elle sera suivie d’une campagne d’expertises robotisées, une mission d’expertise des anomalies géophysiques localisées au moyen d’un ROV (véhicule sous-marin téléguidé) qui prendra place de la mi-juin à la mi-juillet.
Ce projet d’envergure est mené en coordination avec les autorités canadiennes, avec l’appui des services centraux de l’État, ministère de la Mer, ministère de la Culture, ministère de l’Europe et des Affaires étrangères.
Une entente avec le SHC (Service hydrographique du Canada) va permettre d’étendre les zones de recherche aux eaux canadiennes. Le drone de surface DriX, développé par la société française iXblue, sera utilisé pour tenter de détecter l’épave sur les fonds sous-marins.
Drone de surface Drix de iXBlue
Deux études de Météo-France, avec MOTHY, servent de base à cette campagne
Météo-France a été sollicité pour identifier plus précisément les zones de prospection . Le modèle de dérive en mer MOTHY, développé et utilisé à Météo France et reconnu à l’échelle internationale pour sa grande fiabilité, est quant à lui à même de calculer des rétro-trajectoires, c’est-à-dire de tracer à rebours les possibles trajectoires suivies par les divers débris rejetés sur la côte.
Une première étude a consisté à procéder à une première série de simulations numériques faisant intervenir les courants dus aux vents. Quelques zones en lesquelles les probabilités de naufrage étaient plus élevées ont alors été mises en relief.
Une seconde étude a reproduit le même type de simulations numériques, en faisant cette fois intervenir, outre les courants dus aux vents, ceux dus à la marée. En prenant en compte ces deux types de courants de haute fréquence, les simulations devraient tendre vers plus de réalisme et ainsi permettre de mieux définir les zones de prospection .
Plusieurs jeux de données supplémentaires ont été utilisés pour forcer MOTHY à prendre en compte le relief sous-marin et les conditions de vent et de marée propres à l’archipel. La zone finale de recherche établie est donc la plus fiable possible. La zone de recherche identifiée par Météo-France a également été élargie en direction de la péninsule de Burin, sur la base d’échanges avec plusieurs marins de l’archipel, qui pour certains se trouvaient en mer au moment du drame.
Toutes ces données ont permis de prévoir les zones à prospecter pour la nouvelle campagne qui va débuter.
Zones de recherche de l'épave définies avec l'aide de Météo-France.
MOTHY, un logiciel reconnu à l’échelle nationale et internationale
L’application MOTHY (Modèle océanique de transport d’hydrocarbures) a été développée au sein du Département prévisions marines et océanographiques de Météo-France. Elle a vocation, dans le cadre de la lutte contre les pollutions marines, à diagnostiquer la dérive en surface de nappes de polluants et de conteneurs puis, de manière plus élargie et en appui aux missions de recherche et de sauvetage, de préfigurer la dérive de différents types d’éléments flottants (hommes à la mer, embarcations, débris, etc.).
Depuis sa mise en service en 1994, le système MOTHY a été activé plus de dix mille fois, dans des zones géographiques variées, en relation avec des cas réels de dérive de polluant (25 %), de personnes à la mer (25 %), de navires, radeaux, engins de plage, conteneurs, débris (50 %). Il a notamment été utilisé avec succès lors de plusieurs accidents maritimes majeurs, comme pour le naufrage de l’Erika dans le golfe de Gascogne en 1999, ou la fuite d’hydrocarbures suite à l’explosion de la plateforme Deepwater Horizon dans le golfe du Mexique en 2010.
Il a également été mis en œuvre lors d’accidents d'avion et notamment à l’occasion de la disparition du vol Air France AF447 Rio-Paris en 2009 et du vol EgyptAir MS804 Paris-Le Caire en 2016. Pour ce dernier, l'épave a été retrouvée très rapidement en croisant des retro-dérives d'hydrocarbures et de débris.
En France, MOTHY est utilisé de manière systématique pour la prévision de dérives de nappes d'hydrocarbures, instruites dans le contexte du plan POLMAR.
Utilisé par les Centres régionaux opérationnels de surveillance et de sauvetage (CROSS), en métropole et en outre-mer, il contribue à de nombreux sauvetages (personnes à la mer, radeaux de survie, engins de plage, navires).
Météo-France l’utilise également dans le cadre de sa responsabilité des prévisions de dérive des sargasses.
MOTHY est en outre adopté par plusieurs entités gouvernementales à l'étranger (Indonésie, Qatar, Maroc, Tunisie, Grèce) et par la principale organisation internationale en matière de lutte contre la pollution des navires, l’International Tanker Owners Pollution Federation (ITOPF).