Actualités Les femmes, comme Arlette Vassy, souvent oubliées de l'histoire, ont contribué au progrès des sciences de l'atmosphère.

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Journée des Droits des femmes : ces oubliées de l’histoire de la météorologie

07/03/2022

Émilie du Châtelet, Joanne Simpson, Arlette Rigaud… Nombreuses sont les femmes à avoir fait avancer considérablement les sciences de l’atmosphère et contribué au développement de la météorologie moderne. Elles ont pourtant été oubliées par l’histoire. En ce 8 mars, journée internationale des Droits des femmes, nous leur rendons hommage.

Émilie du Châtelet (1706-1749), physique et métaphysique au XVIII °S

Surtout connue pour avoir été la compagne de Voltaire pendant seize ans, Émilie du Châtelet, traductrice de Newton, fut pourtant la première femme savante de l’époque moderne. Au même titre que ses frères, Émilie a pu bénéficier d’une éducation scientifique et littéraire solide. Comprendre l’univers et ses lois devient un des nombreux objectifs de vie. A l’âge adulte, mariée et mère de deux enfants, elle décide de se consacrer à sa passion pour Voltaire et à la vie intellectuelle. Elle et lui vivront quatre ans au château de Cirey travaillant nuit et jour pour acquérir des connaissances physiques et métaphysiques au plus haut niveau. Émilie Du Châtelet rédige « Institutions de physique », initialement destinée à son fils, tentant de réunir la physique empirique de Newton à la métaphysique de Leibniz. L’ouvrage est révélateur de l’état de l’art dans les sciences de l’atmosphère en cette première moitié du XVIII° s. Ces Institutions, publiées en 1740, lui valent une vive polémique avec le secrétaire de l'Académie des sciences. C’est la première controverse scientifique d’envergure entre un homme et une femme. Classée parmi les dix savants les plus célèbres de l’époque, elle sera élue en 1746 à l’Académie de Bologne, la seule ouverte aux femmes.

Source : https://gallica.bnf.fr/essentiels/du-chatelet/decouvrir-en-images

Emilie du Châtelet, traductrice de Newton et de Leibniz, a fait avancer la connaissance de l'univers et de ses lois.

Claudine Picardet (1735 – 1820), première observatrice météo 

Claudine Picardet s’intéresse à la météorologie et est, probablement, la première observatrice météo : pour son mari, Louis-Bernard Guyton de Morveau, directeur du Jardin botanique de Dijon, elle relève les données de pression trois fois par jour entre 1785 et 1787 transmises à Lavoisier. Traductrice puis autrice elle-même de nombreux travaux autour de la géologie et de la chimie, son apport scientifique est minimisé jusqu’aux années 1990 où elle est enfin reconnue en tant que scientifique.

Florence van Straten (1913-1992) :  utiliser les données radar en météorologie

Titulaire d’un doctorat en chimie de l’Université de New-York, Florence van Straten découvre la météorologie en 1942 en répondant à l’appel de l’Armée américaine qui, après Pearl Harbour, a un impérieux besoin de météorologistes. Elle est en charge des prévisions météorologiques sur la zone Pacifique. C’est dans ce cadre qu’elle s’intéresse à l’impact des conditions atmosphériques sur les données radar, initiant ainsi la réflexion sur l’utilisation de ces données en météorologie. En 1946, elle est nommée directrice des exigences techniques du Service météorologique naval américain et y développe l’instrumentation météorologique à finalité opérationnelle avec de beaux succès comme la fusée-sonde ou la bouée météorologique dérivante utilisée par l’Armée américaine. Le Washington Post lui consacre un long hommage lors de son décès en 1992. 

Florence van Straten découvre la météorologie en 1942 en répondant à l’appel de l’Armée américaine. Image : www.librarything.com

Arlette Vassy-Tournaire (1913-2000), spécialiste de l’ozone atmosphérique

Chercheuse au CNRS spécialisée en physique de l'atmosphère, Arlette Vassy-Tournaire  a dirigé le laboratoire de recherches sur la haute atmosphère devenu en 1968 laboratoire de météorologie dynamique (LMD). On doit à cette physicienne d’importants travaux sur l’ozone atmosphérique et l’absorption des UV. Elle rejoint pour quelques mois son mari à la Direction de la Météorologie. L’histoire parle surtout du couple Vassy ou d’Etienne Vassy qui a été directeur de l’Observatoire du Midi avant de se faire un nom avec les fusées Véronique dans le cadre de l’Année Géophysique Internationale 1957-1958.

Arlette Vassy-Tournaire, chercheuse au CNRS, s'est spécialisée en physique de l'atmosphère, Image : OMP-PATRIMOINE-IC | OMP-PATRIMOINE-OPM

Joanne Simpson (1923-2000) :  spécialiste des orages, chercheuse émérite à la NASA

Fille d’un passionné d’aviation, Joanne Simpson s’intéresse très jeune aux nuages et à la météorologie. Après son bac, elle enseigne à l’Université de New-York pour former les futurs météorologues des forces armées de la Seconde Guerre Mondiale. 
Après s’être battu pour avancer dans ses études malgré la réticence de certains universitaires voyant d’un mauvais œil la place de la femme dans un univers scientifique masculin, elle est la première femme à recevoir un doctorat en météorologie aux USA. Joanne Simpson est reconnue pour ses recherches sur les cyclones tropicaux, en particulier pour l'interprétation des tours convectives, les alizés, l'interaction air-mer.  Elle développa le premier modèle numérique de simulation de la vie d'un nuage grâce aux données recueillies lors de vols dans un hydravion. Elle occupa plusieurs postes prestigieux dans les universités américaines, prit la direction du laboratoire de météorologie expérimentale de Miami de l’US Weather Bureau, puis rejoint la NASA comme spécialiste des orages violents. Joanne Simpson reçut de nombreuses distinctions, elle est notamment la première femme à recevoir le prix OMI de l’OMM, l'Organisation météorologique mondiale, en 2002. 

Joanne Simpson est la première femme à recevoir un doctorat en météorologie aux USA. Image : The Schlesinger Library — NASA Earth Observatory

Jacqueline Auriol (1917-2000) : pilote prodige, première présidente de la Société météorologique de France

Diplômée de l’École du Louvre, épouse du fils du président de la République Vincent Auriol, elle choisit de devenir pilote d'essai et se passionne pour la météorologie, les conditions atmosphériques étant un des principaux facteurs d’accidents. Jacqueline Auriol est la première Européenne à franchir le mur du son et a battu de nombreux records de vitesse dans le ciel. Elle reçoit quatre fois le Harmon Trophy, l'une des plus prestigieuses récompenses aéronautiques. Elle marque par son courage et sa modernité l’histoire de l’aviation et fait considérablement avancer la recherche aéronautique.
Elle est la première femme présidente de la Société météorologique de France devenue Météo & Climat en 1979.

Jacqueline Auriol (1917-2000), aviatrice française, première femme présidente de la SMF. Image : collection Viollet

Arlette Rigaud (1943-2000) : faire progresser la prévision numérique du temps

Arlette Rigaud entre au centre de recherche de la Météorologie nationale, ancêtre de Météo-France, en 1968 comme chercheuse en physique des nuages. Elle orchestre des campagnes de mesures en Guadeloupe et à Hawaï pour comprendre le processus de formation des nuages convectifs chauds. Arlette Rigaud est une chercheuse prolifique qui a beaucoup publié, y compris dans des revues à comité de lecture, distinction rare à l’époque pour les sciences météorologiques. Arlette Rigaud a rejoint la Direction de la météorologie en 1990 pour s'occuper de l'international. Elle met en place des partenariats essentiels pour faire progresser la prévision numérique du temps. Elle a ainsi été la cheville ouvrière de la création du consortium Aladin, devenu en 2020 le consortium ACCORD

Arlette Rigaud au centre de recherche de la Météorologie nationale à Magny-les-Hameaux. Photo Claude Nidot

Femmes de sciences

Toutes ces femmes et tant d’autres restées anonymes se sont consacrées aux sciences de l’atmosphère. Dès 1854, date de création d’un service météorologique en France, les femmes ont été nombreuses à travailler pour la météorologie. Elles sont aujourd’hui des forces scientifiques et techniques, d’ingénierie, de recherche, de management... Depuis 2019, Virginie Schwarz est PDG de Météo-France. L’objectif de Météo-France est d’arriver à la parité dans les postes de direction d’ici 2026.