L'été 2022 marqué par des canicules marines, en particulier dans la Méditerranée
16/05/2023En 2022, la France a connu son deuxième été le plus chaud depuis 1900. En tant que principal réservoir de chaleur du système terrestre, les océans sont en première ligne face à de tels événements, et peuvent être marquées par des vagues de chaleur marines, épisodes de chaleur intense à la surface de la mer et sous la surface.
À l’aide de mesures satellitaires, les personnels de recherche du Centre national de recherches météorologiques (CNRM - Météo-France / CNRS) ont étudié la température de surface de la mer (SST) de plusieurs bassins maritimes (Manche, Golfe de Gascogne et Méditerranée Nord-Ouest) durant l’été 2022, pour caractériser le lien entre les vagues de chaleur atmosphérique et les eaux de surface. Les résultats, publiés le 12 mai 2023 dans la revue scientifique internationale Ocean Science, démontrent que les épisodes de canicule ont eu un impact indéniable sur toutes les zones maritimes étudiées :
- De juin à août 2022, on a mesuré +1,3 °C et +2,6 °C au-dessus de la moyenne 1982-2011 sur les bassins maritimes français, constituant notamment un nouveau record saisonnier de chaleur pour la Méditerranée Nord-Ouest.
- Les zones étudiées ont connu un épisode particulièrement intense où la moyenne spatiale des températures de surface de la mer a dépassé les maximums mesurés sur plusieurs jours consécutifs entre 4 et 22 jours suivant les bassins.
- Durant les périodes de vagues de chaleur, les températures mesurées dépassent localement 30 °C en Méditerranée Nord-Ouest.
Vulnérabilité des océans face à l’augmentation des évènements météorologiques extrêmes
Les résultats de cette étude sont cohérents avec des recherches antérieures et démontrent la vulnérabilité des surfaces océaniques face à l'augmentation de la fréquence des événements météorologiques extrêmes. L’étude met en évidence que le réchauffement de la surface de la mer pendant l’été est lié principalement à une augmentation durable de la température de l’air en surface et de l’humidité.
Par ailleurs, le vent joue un rôle moindre et dépend des bassins étudiés. Les résultats soulignent ces différences entre les façades atlantiques et méditerranéenne. Ainsi, l’absence de vent en Méditerranée empêche le mélange des eaux de surface avec les eaux froides en profondeur qui ne peuvent plus remonter. L'effet du rayonnement solaire incident est majeur en Atlantique Nord-Est du fait d’une couverture nuageuse moins importante que d’habitude. Enfin, l'étude souligne le rôle primordial du mélange océanique dans l'arrêt des vagues de chaleur marines.
Ces résultats mettent en évidence la nécessité d’un suivi continu par satellite des différents paramètres de la surface océanique (température, salinité, concentration en chlorophylle...) afin d’établir des stratégies de suivi et d’anticipation face à des évènements extrêmes comme les vagues de chaleur marine.
Etudier la température de surface de la mer avec les images satellites
Aujourd’hui, la température de la mer est mesurée opérationnellement par les satellites défilants et géostationnaires. La surface océanique émet un rayonnement dans l’infrarouge thermique qui est mesuré par le satellite et qui dépend directement de la température de surface de la mer en conditions de ciel clair. Les mesures conventionnelles fournies par les bouées et les bateaux sont utilisées pour les vérifier et les évaluer. Dans cette étude, les mesures ont été réalisées dans le cadre du projet SAF-OSI piloté par Météo-France et financé par l’organisation européenne pour l’exploitation des satellites météorologiques EUMETSAT.
Anomalies de température de surface des mers et océans entre le 31 juillet et le 13 août 2022, lors d'une vague de chaleur. © Météo-France
Vague de chaleur marine et changement climatique
Selon le rapport spécial du GIEC Océans et Cryosphère (2019), l'océan a absorbé plus de 90 % de la chaleur excédentaire du système climatique. D'ici à 2100, il absorbera 2 à 4 fois plus de chaleur que pendant la période allant de 1970 à l'heure actuelle si le réchauffement planétaire est limité à 2 °C, et jusqu'à 5 à 7 fois plus, si les émissions sont plus élevées.
La fréquence des vagues de chaleur marines a doublé depuis 1982, et leur intensité augmente. Dans le futur, elles seront 20 fois plus fréquentes avec un réchauffement de 2 °C, et 50 fois plus fréquentes si les émissions continuent d'augmenter fortement.